Toutes les enseignes ne se valent pas !
Sur le territoire français, on dénombre aujourd’hui environ 4 000 points de vente pratiquant l’activité de remplacement de pneumatiques, dont 2 200 arborent le panneau d’une enseigne : Point S, First Stop, Euromaster, Vulco, Eurotyre, Siligom, Profil Plus… Une proportion forte, comme dans le secteur de la réparation au sens large, qui montre l’attrait des réseaux. En 2012, dans un contexte concurrentiel qui se tend à mesure que la crise inquiète les ménages, le rôle des enseignes se révèle primordial, à plus d’un titre. Faisons le point sur les apports d’un panneau. Peut-on encore rester indépendant dans le commerce et le remplacement des pneumatiques ?
Différentes formules de réseaux
Point S est une coopérative, dont les adhérents sont tous actionnaires. Ce n’est donc pas à proprement parler une franchise, même si Christophe Rollet, son président, lui reconnaît un fonctionnement quasi identique… “Nous sommes un peu les deux. L’ensemble du capital de la coopérative est détenu par les membres, mais il est vrai que l’évolution des marchés, de la concurrence, des mentalités en termes d’affiliation à un réseau, nous pousse de plus en plus à nous rapprocher des schémas du franchiseur”, avoue-t-il. Point S parvient ainsi à maintenir une savante alchimie entre le schéma simple et démocratique de la coopérative, et les gros avantages d’une réglementation plus ferme, plus stricte, délimitée par un cadre de franchise, ce qui insuffle une véritable démarche réseau, homogène, avec tout ce que cela suppose en termes d’image, de process…
Car pour gérer un grand nombre de points de vente, pour que la machine tourne, il faut des règles, trouver la juste adéquation entre indépendance et obligation, de sorte que chacun trouve sa place, mais au sein d’un ensemble.
Chez First Stop, toujours dualité mais autre politique, puisque le réseau se compose à la fois d’adhérents indépendants (190) et d’intégrés (114). La filiale du manufacturier japonais Bridgestone utilise cette mixité comme une force. Le réseau d’intégrés donne une puissance d’achat pour l’ensemble du maillage, mais également une puissance de moyens, dès lors qu’il faut développer de nouveaux services, par exemple. De son côté, les indépendants qui arborent le panneau First Stop amènent leurs avantages en termes de proximité, de réactivité. “Avec ce fonctionnement, je pense que nous nous développons plus vite”, estime Laurent Proust, directeur général de First Stop.
Autre fonctionnement, celui d’Eurogom, société anonyme créée pour gérer les grands comptes industriels et les loueurs VL des trois réseaux Siligom, Eurotyre et Côté Route. Si la structure chapeaute l’ensemble du maillage de ces enseignes sur le point précis des clients flottes, les adhérents restent véritablement indépendants sur le fond de leur activité. En marge de leurs différents panneaux et des principes minimum à mettre en place sur tous les sites, aucun des trois n’impose de standardisation à outrance. Yann Blard, adhérent Siligom et président des Professionnels du pneu, s’y retrouve : “Il faut laisser à un chef d’entreprise suffisamment de liberté pour qu’il puisse se consacrer pleinement à la qualité de service de tous ses utilisateurs, PL, VL, agricoles, particuliers, professionnels… Et c’est déjà beaucoup de travail !”
Le juste achat
La rentabilité d’une affaire de pneumatiques passe désormais par des achats gérés le plus finement possible. Bien acheter, c’est acheter au meilleur prix, mais également le bon produit, et avec la meilleure disponibilité. En cela, il semblerait que les réseaux apportent des réponses donnant une longueur d’avance. Dans un réseau fédérant des indépendants, la mission peut sembler plus complexe, mais il s’agit d’une question de cohérence de réseau, selon Christophe Rollet. “Nos adhérents ont compris que le maintien de l’indépendance passe par l’union. L’union d’une somme de structures qui vont dans le même sens.” Ce qui n’est pas évident, car les négociants en pneumatiques ont toujours traité avec les manufacturiers… D’autant qu’en groupant les achats, on induit forcément des engagements de volumes de la part des adhérents. C’est le cas chez Point S, depuis deux ans. Ce qui permet à l’enseigne de consolider ses prérogatives auprès des fournisseurs. Ce qui ne plaît pas forcément à certains manufacturiers, qui, avec cette politique, pèsent finalement moins lourdement dans les négociations. C’est ainsi que Point S vient de décider de ne plus pratiquer d’achats groupés avec Michelin, Bibendum ne satisfaisant pas aux conditions requises par l’enseigne. “Le rôle de l’enseigne consiste avant tout à défendre les intérêts de ses adhérents, pas à faire du profit”, se justifie Christophe Rollet.
Bien entendu, cette position peut sembler délicate à tenir pour un réseau comme First Stop, en raison de sa parenté avec un manufacturier… On imagine toujours que le réseau doit quelque part “favoriser” les liens avec son “père fabricant”. Pourtant, Laurent Proust affirme que la priorité n’est pas là pour 2012. Elle serait plutôt à la bonne marche du réseau, à la satisfaction des attentes des clients. Pas question donc de ne proposer que du Bridgestone et du Firestone dans les points de vente ! Largeur de gamme, services dans l’entretien réparation, en tourisme, en industriel…, seront donc les leitmotive cette année. “Cette politique s’est encore renforcée en 2011, puisque nous avons décidé de séparer la Business Unit Retail (commerce, distribution…) de tout le reste de l’activité manufacturière. Désormais, nous effectuons nos préconisations en toute indépendance de Bridgestone”, affirme Laurent Proust. Preuve est donc faite que l’on peut exister sans un manufacturier tirant les ficelles !
Les plus-values métier
Dès lors que l’on adhère à une enseigne, la relation induit un versement de redevance à la tête de réseau. Une somme destinée à couvrir des besoins en marketing, communication, formation… Le terrain attend les armes pour consolider son business et le développer. Dans chacun des réseaux, des animateurs projettent ainsi en région la stratégie mise en place par la structure globale. Chez Point S, on a doublé les effectifs de cette catégorie de collaborateurs, preuve de l’attente forte sur ce point. “Nous considérons qu’un chef d’entreprise, qui a son affaire à gérer, ses prospections à mener, ne peut être performant en même temps sur ses achats, la formation de son personnel, la législation, la communication… D’où notre rôle d’accompagnement”, estime Christophe Rollet.
Mais sans se substituer ! Gare à l’ingérence de l’enseigne. La prestation d’un réseau devrait donc prendre la forme d’un catalyseur, une aide à l’optimisation de l’activité quotidienne. C’est aussi le choix de First Stop qui, pour tenter de rendre son implication la plus transparente possible pour ses adhérents ou partenaires, vient de lancer des formations régionalisées. Réparties dans le temps et sur le territoire, elles évitent aux partenaires de longs trajets et des arrêts trop pénalisants de leur activité. “Nous préférons qu’ils se forment réellement, et nous leur donnons les moyens de le faire avec le moins de contraintes possibles”, selon Laurent Proust.
L’une des autres grandes attentes des professionnels touche l’aide à la recherche de nouveaux clients, les grands comptes en tête (loueurs par exemple), qu’ils n’ont pas forcément le temps (ni le savoir-faire) d’aller convaincre. Et sur ce point, l’enseigne -et son maillage national- reste la condition sine qua non pour signer des contrats. Chez First Stop toujours, où les accords-cadres progressent de plus de 30 % chaque année, on a mis en place, sur l’Intranet de chacun des centres, une liste exhaustive de l’ensemble des accords passés en centrale et leur écho sur la zone de chalandise du point de vente. Ainsi, il devient plus facile pour le chef d’entreprise de démarcher l’entreprise concernée, car il arrive en terrain quasi conquis. Toutefois, il reste difficile d’éduquer les chefs de centre sur l’intérêt de ce travail. Il subsiste des freins de culture que le désir de rentabilité parvient à faire sauter. D’autant que, “dans certains de nos centres, une activité grands comptes bien gérée peut représenter une augmentation de près de 25 % du CA global”, affirme Christophe Rollet. On rappellera notamment que le parc roulant des loueurs longue durée progresse de près de 10 % par an, et atteint 1,2 million de véhicules aujourd’hui. D’ailleurs, les fast-fitters et autres centres-autos ne s’y trompent pas et se jettent maintenant dans la bataille de la chasse aux professionnels.
Et le client ?
La marque et son image constituent le point le plus important pour la réussite d’une enseigne. Le réflexe du client est de se rendre dans des enseignes connues et reconnues, qui le rassurent. Toutes les promos se valent, la seule possibilité consiste donc à induire une notion de marque dans la tête du consommateur. C’est finalement le levier utilisé depuis toujours par les réseaux constructeurs, qui avancent une plus-value liée à leur nom. C’est la raison pour laquelle Point S communique aujourd’hui à outrance, avec une nouvelle signature et le concours de l’humoriste Patrick Bosso.
Mais l’image de marque ne doit pas faire oublier la nécessaire proximité. Pour une enseigne plus jeune comme First Stop, c’est elle, au sens large, qui fait la différence. Proximité géographique pour commencer, donc maillage le plus important possible, sur lequel la tête de réseau a son rôle à jouer. Mais aussi et surtout proximité dans les relations avec le client final. Sur ce point, c’est le chef de centre qui prend toutes ses responsabilités. “Nous sommes très vigilants à essayer de recruter les acteurs significatifs dans leur zone, puis nous renforçons leur notoriété locale, en les accompagnant dans leurs actions de communication”, détaille Laurent Proust.
Le coût
Une enseigne qui accompagne ses partenaires ou adhérents, cela coûte cher, très cher même. A la communication nationale, chargée de relayer l’image de la marque au plan global, il faut ajouter les multiples actions locales et ciblées. Chez Point S, on estime la somme “à de nombreux millions d’euros”, en reconnaissant toutefois que les grandes enseignes de la nouvelle distribution investissent trois à quatre fois plus dans leur image auprès du consommateur final. Alors, pour lutter, l’astuce peut être de mieux communiquer. L’un des axes choisis par l’enseigne sera d’adopter une stratégie de communication moins orientée sur les prix. “On ne peut plus se battre sur des rabais plus importants, avec l’érosion des marges et l’avènement de la vente sur Internet. Les mêmes promotions, dans toutes les enseignes, avec la même saisonnalité, déboussolent le consommateur.” Il est donc désormais d’usage d’aller sur le terrain du professionnalisme, du service en plus…
En bref
Avec la pression concurrentielle qui augmente et des consommateurs de plus en plus volages, à la recherche du meilleur rapport qualité-prix, il va devenir de plus en plus compliqué de parvenir à maintenir, seul, une activité de pneumaticien. Nous avons vu que l’apport d’une enseigne se révèle déterminant pour bien acheter, mais aussi pour maintenir le meilleur niveau de mise à jour des connaissances des partenaires. Sans oublier la communication. Nationale tout d’abord, qui raccroche le consommateur à un nom et le rassure. Puis plus locale qui, elle, vient ajouter à la dimension de proximité, un domaine que chacun pouvait encore gérer seul, à sa manière, il y a quelques années. Mais dès lors qu’une enseigne se met à utiliser sa puissance, ses équipes de marketing, comment les indépendants peuvent-ils lutter sur la même zone ? La conclusion est assez simple. Les réseaux sont devenus incontournables. La seule vraie liberté réside dans le choix du modèle qui convient le plus à l’entrepreneur.
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FOCUS - Le marché 2011 du pneu en chiffres
Au global, les ventes Tourisme camionnette 4x4 baissent de 7 %, celles du PL progressent de 12 %, et l’agricole monte à 20 %.
• 10,6 millions de pneus vendus par les distributeurs spécialistes en 2011 (CA de 952 millions euros)
• 7,89 millions de pneus vendus par les centres autos (CA 568 millions euros)